Limagination sociologique et la construction de Talcott Parsons comme grand théoricien conservateur de C. Wright Mills
Parsons a particulièrement mis laccent sur ce que Durkheim avait appelé la solidarité, son «fondement affectif… dans lattachement motivationnel des individus à »(1977: 57). En revanche, pour Marx et ses adeptes, la solidarité était clairement un concept utilitaire où les gens sunissent sur la base du même intérêt personnel, car ils partagent des conditions sociales et un statut similaires, mais seulement sils passent dune classe en soi à une classe pour elle-même, ce qui nécessite à nouveau une certaine action politique externe.
Limagination sociologique de Mills est léquation du pouvoir «avec toutes les formes de capacité à gagner des fins» (Parsons 1969: 297). Si tout donner et recevoir était un phénomène à somme nulle, alors en fait, peu importe quune « transaction » soit fondée sur la force, lamour ou des croyances religieuses. Dans chacun de ces cas, cela signifierait lexploitation et lassujettissement dune personne, ou La capacité de reconnaître les attachements affectifs altruistes, qui dans les systèmes sociaux plus larges conduisent à la solidarité au sens de Durkheim, est liée à des différenciations pour la description des formes déchange. La théorie des médias de Parsons discerne des médias spécifiques pour ce quil appelés sous-systèmes du système social et du système d’action général. Ce raffinement conceptuel est indispensable pour voir la différence selon que les buts de l’interaction sont atteints en menaçant l’autre personne, en s’accordant consensuellement sur des buts communs, en offrant de l’argent ou en faisant appel à leur solidarité, à leur responsabilité et à leurs valeurs partagées. Mills, comme ses camarades de la «théorie critique», «déconstruit» définitivement tous ces différents moyens comme «en réalité «égalité» en dernier lieu »à des moyens violents de pouvoir. Cela devient particulièrement clair dans les passages que Mills a écrits sur «la sphère des symboles».
Pour résumer, les différences entre le concept de pouvoir de Parsons et celui de Mills peuvent être décomposées en trois points clés: 1 ) le pouvoir est un mécanisme discret différent de largent et de linfluence et ancré dans différentes institutions; 2) le pouvoir a le potentiel de transcender les relations à somme nulle; et 3) le pouvoir est une facilité ou un moyen datteindre des objectifs collectifs, pas simplement un moyen de garantir intérêts personnels.
«Sphères de symboles»: la culture comme simple légitimation de la domination?
Le concept de pouvoir utilitaire préconisé par Mills se poursuit dans ses jugements sur la culture, «la sphère symbolique», comme il lappelle, avec sa «prétendue autonomie» (1959: 36). Par conséquent, pour Mills, les valeurs et les structures normatives sont les « maîtres symboles de légitimation » de la domination. La culture est simplement utilisée par « ceux qui détiennent lautorité » pour justifier leur domination.
« De tels symboles … ne forment pas un domaine autonome au sein dune société; leur pertinence sociale réside dans leur utilisation pour justifier ou pour sopposer à larrangement du pouvoir et aux positions dans cet arrangement des puissants … » (1959 : 37)
Pour Parsons, en revanche, lorientation vers la culture en tant que telle joue un rôle important pour la compréhension des structures des systèmes sociaux . Il la compris comme un sous-système différencié avec une culture dévaluation morale comme ayant une importance particulière pour lordre normatif social. Les unités structurelles, telles que les rôles et les institutions, intègrent les attentes interactionnelles aux modèles culturels. Cest le cas dans des domaines aussi divers que linstitution de la propriété privée ou de linstitution du mariage. Lultime est lémergence de normes sociales pour les interactions concomitantes. Ces références culturelles et normatives suggèrent une dynamique dans les systèmes sociaux indépendante de la coercition, puisque les engagements envers la culture et la sensibilité envers les attitudes des autres sont des principes décisifs lors de linteraction. Cest la base de laffirmation de Parsons selon laquelle il y a une composante culturelle inhérente à chaque interaction, ce qui implique quil existe des pouvoirs dans la vie humaine, qui sont entièrement distincts de toute poursuite dintérêts égoïstes et de lutte pour la domination.
Pour contester cette idée, Mills attaque lidée de la qualité culturelle des institutions. Pour lui, les structures sociales ainsi définies occultent leur sens «réel»: «Le résultat, je pense, est de transformer, par définition, toutes les structures institutionnelles en…. ce qui a été appelé «la sphère des symboles». « (1959: 36) Et cette sphère symbolique ne sert à rien dautre que la justification de lautorité et du pouvoir, par exemple dans les cas de » symboles moraux largement reconnus, emblèmes sacrés … dieu ou dieux … « vote de la majorité » »etc. Les capitalistes, selon Mills, utilisent de telles idées pour dissimuler leur intérêt personnel – puisque «les vieux motifs et raisons dintérêt personnel peuvent conduire à la culpabilité ou au moins à linquiétude chez les capitalistes» (36-37).En conclusion, les «orientations de valeur et la structure normative de Parsons ont principalement à voir avec les principaux symboles de légitimation».
Les citations fournies incluent la curiosité quun «vote de la majorité» est considéré comme un simple moyen de règle des autorités. Même si de temps en temps on déteste le résultat de ces votes majoritaires, la question est de savoir à quoi ressemblerait une alternative. Une imagination sociologique globale névoque que des scénarios effrayants.
Outre ces problèmes de déficit démocratique ouvert, la vision de Mills sur le rôle de la culture dans la société se résume à une forme grossière de fonctionnalisme. Là encore, nous rencontrons un paradoxe toujours vivant dans le contexte de ce que lon appelle aujourdhui la sociologie culturelle. à une interprétation fonctionnaliste réductionniste de la culture comme «en dernier ressort» servant les intérêts économiques et politiques. La culture est souvent directement égale au capital économique et au pouvoir, et une pléthore d’études culturelles se surenchérit pour «déconstruire» les préférences et activités culturelles, motivée par la poursuite d’intérêts économiques personnels.
Le résultat est une tache aveugle pour lun des phénomènes les plus puissants de la vie individuelle et sociale, à savoir les contenus et les formes de la culture en tant que telle. La culture peut en effet être utilisée à toutes sortes de fins, sans doute aussi pour celles auxquelles Mills prête attention, Jai suggéré quon lappelle la «fonction hétéronome» de la culture (Staubmann 2005). Cependant, le rôle joué par la culture en tant que telle, sa «fonction autonome» est bien plus important, tant pour les individus que pour la société. Une spécification de cette dernière pour la théorie des systèmes sociaux est lidée de la fonction fiduciaire dun sous-système, les rôles et Les institutions responsables de la préservation et de la promotion de la culture. Létude de Parsons et Platt sur le système universitaire américain (1973) montre comment la culture rationnelle sinterpénètre avec toutes les parties de ce que Parsons appelle le système général dactions, lénorme sens de la connaissance rationnelle et les valeurs et la vie individuelle et même pour une caractérisation globale de la société moderne.
La répudiation de Mills du rôle autonome de la culture lamène à nier que les structures sociales sont intrinsèquement aussi des phénomènes culturels. Il répudie le concept de structures sociales de Parsons mais ne définit pas explicitement ce quil appelle «les caractéristiques structurelles de la société humaine». On ne peut que deviner quand il se réfère à un «ensemble dinstitutions» qui «contrôle la société dans son ensemble et superpose ses valeurs par la violence et la menace de violence» (1959: 39). Cela rappelle un certain nombre dÉtats communistes totalitaires, que Mills navait probablement pas à lesprit. Cependant, même dans ces cas, la violence pure ne suffirait pas à expliquer leur stabilité temporelle.
Conflit et changement social
Compte tenu des nombreux écrits de Parsons sur le changement social et culturel, le le récit de son manque et de son incapacité à régler le problème est stupéfiant. Là encore, il sagit de conceptions indifférenciées qui rendent compte dune perception déformée de son travail, dont lune est le lien a priori entre changement social et conflit. Selon les mots de Mills, il se lit comme suit: «Lélimination magique des conflits et la réalisation merveilleuse de lharmonie,… retirent de cette théorie« systématique »et« générale »la possibilité de faire face au changement social…» (1957: 42). La « perspective de conflit » – comme on lappelle – est limitée par le fait que le conflit et le changement sont des « variables indépendantes ».
Avec laide de la technique théorique de Parsons qui consiste à croiser ces variables, nous obtenons un tableau quadruple dans laquelle, disons, les lignes représentent la présence et labsence de conflit et les colonnes montrent la présence et labsence de changement social. En évaluant les quatre champs de notre tableau avec des données empiriques / historiques, nous nous rendons compte que la présence de conflit en aucun induit nécessairement un changement social. Au contraire, un certain niveau de conflits est une condition préalable à un système social stable. Niklas Luhmann, lun des étudiants les plus accomplis de Parsons, a même vu les conflits comme une sorte de système immunitaire qui empêche les systèmes sociaux de tomber à part, t hus contribuant à leur durabilité. Exprimés en termes parsoniens, les conflits sont, dans une certaine mesure, indispensables à lhoméostasie des systèmes sociaux. En passant au champ suivant de notre quadruple schéma, nous observons parfois que le conflit peut effectivement conduire à un changement social, ce que Parsons a reconnu dans ses écrits en conséquence.
Enfin, nous avons les cas importants où le changement social se produit sans être induit par nimporte quel conflit. Historiquement, cest particulièrement le cas des innovations culturelles qui influencent les structures et les processus sociaux.Pour ne citer quun exemple, il existe une vaste littérature sur limpact considérable de linvention dInternet et des technologies concomitantes sur le changement des modèles de communication et dinteraction, tant au niveau macro quau niveau micro. Ces technologies sont, à leur tour, basées sur des innovations scientifiques antérieures qui, au moment de leur invention, semblaient navoir aucune utilité pragmatique, par exemple lalgèbre binaire que George Boole avait élaborée.
Dans la complexité de la théorie générale de laction de Parsons, nous pouvons conclure que toute partie du système général daction peut induire un changement social. Le conflit social nest ni une condition suffisante ni une condition nécessaire au changement social.